Repenser l'Afrique

France Forum, n° 66, juillet 2017

Revue France Forum

L'évocation de l’Afrique autorise très souvent les mêmes commentaires : terre des laissés-pour-compte, tensions géopolitiques empêchant tout développement, élites corrompues et dirigeants politiques peu fréquentables, etc. Inutile de s’échiner à expliquer que ces poncifs sont, à bien des égards, éculés et que les parties francophone, anglophone, lusophone et arabophone du continent sont, en réalité, radicalement différentes.

Inutile aussi de faire remarquer que nombre de ces caricatures pourraient tout aussi bien s’appliquer aux continents européen ou américain. Au bout du compte, il semble plus judicieux d’éclairer la révolution en marche en Afrique en mettant en exergue les forces économiques, artistiques, intellectuelles et politiques qui s’y affirment sans aucun complexe. L’Afrique, qui comptera 2 milliards d’habitants en 2050, est aujourd’hui un phénomène pour lequel les pays développés ont (enfin) des yeux de Chimène.

Les chiffres l’attestent. En matière économique, malgré un léger ralentissement en 2016, la croissance du continent devrait rebondir à 3,4 % en 2017 et à 4,3 % en 2018. Les perspectives sont donc encourageantes avec un boom économique qui concerne tous les secteurs. Le dynamisme de l’économie numérique et de l’innovation en est la meilleure illustration. Les start-up, les petites et moyennes entreprises s’inscrivent de plus en plus dans le secteur formel. Très souvent dirigées par des jeunes diplômés, bien formés, elles possèdent des stratégies d’industrialisation à long terme.

Alors que la Banque africaine de développement (BAD) souligne que la moitié des jeunes africains est sans emploi et qu’un tiers occupe des emplois vulnérables, le continent doit saisir cette chance offerte par l’émergence de la tech africaine. Il doit absolument élargir sa base industrielle pour redonner de l’espoir à sa jeunesse dont une partie est confrontée à une désespérance qui la pousse encore et toujours à choisir l’émigration.

Pour que l’Afrique poursuive sa progression, il en va aussi de la responsabilité de grandes puissances mondiales qui y interviennent massivement. Elles se doivent de favoriser le transfert de compétence. C’est à ce prix que l’Afrique deviendra l’un des moteurs de l’économie mondiale. Une prévision envisageable à l’horizon de 2030 et qui sera gagnante pour toutes les parties.

Toujours selon la Banque africaine de développement, dix-huit des cinquante-quatre pays africains ont, aujourd’hui, atteint un niveau de développement moyen ou élevé. Ces progrès sont encourageants. Sans amélioration du bien-être, de la santé et de l’éducation, sans réduction des inégalités, bref, sans renforcement du développement humain, la croissance africaine apparaîtrait comme une victoire à la Pyrrhus car elle serait dans l’incapacité de participer à la réduction de la pauvreté. On observerait un accroissement des inégalités avec une stagnation de la classe moyenne naissante et un écart des revenus entre les plus riches et les plus modestes.

Le rapport « Perspectives de l’économie en Afrique en 2017 » de la Banque africaine de développement, de l’organisation de coopération et de développement économique (OCDE) et du Programme des nations unies pour le développement (PNUD) démontre que, même si le taux de pauvreté en Afrique recule depuis plusieurs années, la croissance démographique est telle que le nombre de pauvres, lui, augmente. 500 millions d’Africains vivent sous le seuil de pauvreté avec moins de 2 dollars par jour. Pour rappel, une personne appartenant à la classe moyenne possède un revenu compris entre 2,2 dollars et 20 dollars par jour.

Allons au-delà de ces chiffres. Le potentiel du continent africain est considérable et ce, dans de nombreux domaines. Il doit maintenir ses performances économiques, agrandir sa population active, sa base d’emplois stables et persévérer dans sa volonté de prospérité pour le plus grand nombre. 


Sylvère-Henry Cissé
journaliste
président de Sport & Démocratie

 

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