Le monde d'après

France Forum, n° 77, juillet 2020

Revue France Forum

C’était une vraie gageure. Solliciter en un temps record, en plein confinement, les presque sept cents dirigeants politiques, diplomates, universitaires,  scientifiques, chefs d’entreprise, responsables associatifs, qui avaient écrit pour France Forum au cours des six dernières années et leur demander de s’exprimer sur le monde de l’après-Covid-19.

Le résultat a été au-delà de nos espérances. Plus d’une centaine d’entre eux ont répondu positivement, de toute nationalité et de toute spécialité, traitant aussi bien du double visage de la Chine que des conséquences financières de la crise, des relocalisations industrielles ou de l’utilisation des réseaux sociaux pendant le confinement.

Nous leur avions donné carte blanche pour questionner, anticiper, imaginer le monde d’après. Tous l’ont fait avec enthousiasme. Quitte à prendre des risques par manque de recul sur cette phase inédite de l’histoire du monde. Quitte aussi à se départir quelques instants de leur prudence d’observateur et de chercheur.

Avec cette livraison au caractère exceptionnel, France Forum est plus qu’une revue, c’est une communauté d’auteurs qui, génération après génération, reste fidèle aux grands principes insufflés par Jean Lecanuet lors de sa création, en 1957, fondateurs, aujourd’hui encore, de la ligne éditoriale : la vigilance démocratique, l’ouverture au monde, l’attachement à  l’homme auxquels s’ajoute une exigence rédactionnelle et intellectuelle que la période actuelle vient, d’une certaine manière, reconnaître.

Pendant le confinement, beaucoup d’entre nous ont redécouvert qu’une vie intellectuelle était possible en dehors de twitter et de BFM tV. Ils ont redécouvert le  plaisir de ralentir, de réfléchir, de s’interroger. Ils ont redécouvert l’amour des mots, la beauté de la langue, le bonheur de reprendre une lecture interrompue la veille. ils ont relu Luis Sepúlveda, disparu la veille. ils ont redécouvert le bruit du vent, le chant d’un oiseau, le silence et la lenteur. Que dirait Jean Lecanuet de ce moment d’histoire, lui le démocrate-chrétien, l’Européen, le décentralisateur ? À coup sûr, il saurait distinguer le ciel bleu par-delà les épais nuages noirs. il croirait encore à l’Union européenne. Celle qui n’a jamais autant progressé que lorsqu’elle semble devoir rendre son dernier soupir. Il réserverait ses flèches à cet état centralisé qui, une de fois de plus, aura montré toutes ses insuffisances. Ses ailes de géant l’empêchent d’avancer quand les territoires virevoltent d’initiatives et de solidarités.

Et l’homme, chrétien ou non, dont l’horloge de la vie s’est arrêtée deux mois durant. était-ce déjà arrivé ? Sommé de regarder sa vie, son itinéraire, son rapport aux êtres, aux choses et au temps. il a le visage de ces otages soudainement libérés que l’on découvre au 20  Heures. Humain, enfin humain. Tout à coup précipité hors de la caverne et de ce monde de superficialité et d’apparence où il errait depuis si longtemps. il est maintenant debout, ébloui par les rayons du soleil. Il ne peut plus reculer. il fait face à sa vérité. il ouvre les yeux, observe un monde jusque-là inconnu. Celui d’après. Quel monde !

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