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-M-, l'âme au Mali

parSylvère-Henry CISSE, journaliste, président de Sport & Démocratie

Articles de la revue France Forum

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Quand Matthieu Chedid alias -M- a débarqué, en 1997, sous nos yeux ébahis avec sa coupe de cheveux endiablée, la révélation a été immédiate. Depuis, chacune de ses apparitions est un événement, ses concerts se jouent à guichets fermés. Chacune de ses créations est une consécration. Lamomali, son dernier album sorti en avril, est déjà disque d’or avec plus de 50 000 exemplaires vendus. Positif, énergique et intelligent, avec cet album hommage au Mali, -M- réussit à installer une passerelle naturelle entre Paris et Bamako. Son titre « Bal de Bamako » est un exemple de fraîcheur et de diversité d’influences. À l’écoute, on goûte un subtil mélange de funk électrique mâtiné de kora, luth traditionnel qui se tient comme une harpe, si représentatif de la beauté de l’Afrique de l’ouest.

Cette kora appartient au virtuose Toumani Diabaté. Entre ses mains, cette guitare en forme de calebasse est une boule d’émotions d’une grande musicalité. Dans le plus pur respect de la tradition et à l’image de cet album collectif, maître Diabaté transmet son savoir à son fils. Chez les Diabaté, on est griot depuis 72 générations. Le talent est un fluide qui se transmet naturellement. Les prédispositions de Sidiki, déjà une icône dans son pays, ont été récompensées. Il a été élevé, en mai dernier, au rang de chevalier de l’ordre du Mérite du Mali. À ce jour, Sidiki est le plus jeune Malien à être honoré de cette distinction. Il suit les traces de son père dont la carrière compte deux Grammy Awards.

Dans « Bal de Bamako », il y a des rencontres de voix. Celle avec la chanteuse et comédienne Fatoumata Diawara n’est pas un hasard, Matthieu Chedid ayant séjourné à de nombreuses reprises au Mali depuis une collaboration avec Amadou et Mariam en 2006. Ce pays est aussi reconnu pour la qualité exceptionnelle de ses chanteuses comme Oumou Sangaré, Rokia Traoré ou la regrettée Fantani Touré. Les capacités de Fatoumata Diawara sont telles que sa voix résonne avec puissance, brillance, douceur et chaleur dans un timbre haut perché, sans pour autant donner l’impression d’être forcée.

Il y a aussi la voix de Oxmo Puccino. Le « maréchal-président », percussionniste des mots, se distingue une nouvelle fois. Le rappeur, depuis ses débuts, met son art au service de ses idées pour l’éveil des consciences ; poète, il a déjà marqué d’une empreinte profonde la chanson française. Oxmo organise, comme à ses habitudes, une collision entre les mots pour nous faire réfléchir tout en swinguant sur son flow (sa scansion) si suave.

Dans cette mélopée festive, -M- nous prodigue une sensation saisissante de transe. On se laisse entraîner par sa passion et la polysémie affûtée de ses mots qui affichent une prise de conscience politique et sociale contre les conflits qui touchent le Mali, pour opposer les balles, instruments de mort, aux bals qui donnent la vie.

« Malice au Mali des merveilles
Le Mali dieu créa la flamme
Le Mali danse dans mon âme

Honni soit qui mal y pense
Qu’importe la couleur de ta peau
Béni soit qui au Mali danse
Au son des bals de Bamako »

« Bal de Bamako » n’est qu’une des pièces du magnifique écrin Lamomali. Ce nouvel album de -M- est une belle ouverture par laquelle l’artiste impose un discours subtil pour faire bouger les lignes vers un respect profond de l’altérité.

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