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Faire l’Europe dans un monde de brutes de Enrico Letta

parFrançois LAFOND, conseiller spécial du vice Premier ministre en charge des Affaires européennes de la République de Macédoine du Nord

Articles de la revue France Forum

La réédition d’un livre en collection de poche est une aubaine pour les étourdis qui ont laissé passer la première édition.

Certes, avec le délai, la lecture peut apparaître quelque peu en décalage par rapport à la nouvelle actualité et perdre toute pertinence. Le livre de Enrico Letta, ancien président du Conseil des ministres italien, plusieurs fois (jeune) ministre et actuel doyen de l’École des affaires internationales de Sciences-Po, conserve ce qui a toujours constitué la colonne vertébrale de sa trajectoire professionnelle. Depuis vingt ans, cette foi inébranlable en une « europe souveraine » est la vraie marque de fabrique de ce démocrate-chrétien, se reconnaissant explicitement dans le personnalisme de Jacques Maritain et de Emmanuel Mounier (plutôt rare de nos jours !), mais aussi cofondateur du Parti démocrate italien, en 2007. 

D’après l’auteur, l’Europe serait en train de perdre la bataille mondiale des valeurs, la nouvelle guerre d’influence, dans un monde de brutes (dont Donald Trump serait le prototype), étant confrontée à des crises distinctes, désormais bien connues. Il aime rappeler combien la patience et la persévérance sont essentielles, contre vents et marées, pour redevenir des « rule setters », des « rule makers » et non des « rule takers ». Autrement dit, que les Européens puissent avoir leur mot à dire dans la fixation des règles du jeu mondial. Oui, bien entendu ! 

Certains esprits chagrins pourraient lui objecter que le « respect mutuel », seul, pourrait difficilement relancer le projet européen, au temps du coronavirus, d’autant que les valeurs issues des droits de l’homme sont de moins en moins partagées, y compris par d’anciens alliés. Certes, « faire l’europe devrait servir à réunir les vertus de chacun et non pas leurs vices » et l’auteur propose des pistes pour améliorer le fonctionnement de la zone euro et de l’espace Schengen et « débruxelliser » l’Union européenne. Mais encore ? Enrico Letta, qui s’était fait expulsé de façon brutale de son poste de chef du gouvernement italien par Matteo Renzi, s’est évidemment placé en réserve de son pays, l’Italie, et plus encore de l’Europe. 


« Pluriel », Fayard, 2019 – 8 €

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