La souveraineté des États en question

parPierre BENTATA, professeur à l'ESC Troyes, directeur de Rinzen Conseil
27 Décembre 2016
Actualité

A problèmes globaux, réponses globales ? 

Les pays occidentaux souffriraient-ils d’une désillusion du progrès ? A en croire les récentes élections, de part et d’autre de l’Atlantique, tout laisse penser que la formidable prospérité économique du monde ne parvient plus à rassurer les peuples et ce, particulièrement en Europe et aux États-Unis, c’est-à-dire au sein des pays les plus riches et les plus développés.

La crainte de l’immigration, la peur de la concurrence étrangère et la haine des élites se manifestent dans toutes les sociétés occidentales comme autant de symptômes d’une globalisation du monde devenue malheureuse. Mais d’où vient ce malheur ? Certes, il y a le chômage, la dette souveraine et la concurrence mondiale, mais ces difficultés ne peuvent expliquer le désarroi des peuples, l’attente d’un homme providentiel ou le retour du populisme. Si tel était le cas, ces maux ne toucheraient que les pays en situation délicate alors qu’ils se répandent partout, de l’Autriche connaissant le plein-emploi au Royaume-Uni en pleine reprise économique, en passant par l’Allemagne, championne de la mondialisation, et les États-Unis, encore grand gagnant économique et politique du monde d’après-guerre. 

Si nous sommes tous touchés, c’est que ces maux sont intimement liés à la globalisation elle-même. En renforçant l’interdépendance des économies, par l’abolition des frontières et le développement des échanges, la globalisation a rendu possible une prospérité économique insoupçonnée. Mais la richesse économique a un prix : l’interdépendance économique signifie qu’une crise immobilière américaine peut déstabiliser la France ou qu’une faillite grecque peut faire vaciller l’Europe. L’abolition des frontières permet aux hommes de circuler librement, accroissant les forces créatrices des pays hôtes, mais aussi les risques de conflits culturels, voire de terrorisme. Et la multiplication des échanges signifie plus de richesse, mais aussi l’impossibilité de mener des politiques publiques efficaces à l’échelon national. Ainsi, le rétrécissement du monde, que représente la globalisation, favorise l’émergence d’une économie mondiale au prix de la souveraineté des États. 

C’est peut-être là que réside la tension actuelle. Face à l’affaiblissement de leurs États, révélé par leur incapacité à agir sur le territoire et les frontières, les peuples prennent la globalisation pour cible et en veulent à ses représentants, qu’il s’agisse des élites politiques, des grands groupes multinationaux ou, plus tristement encore, des migrants. 

Comment sortir de cette impasse ? Que faire pour concilier le besoin de souveraineté nationale et les avantages d’une économie globale ? Comment apaiser les craintes qui mènent au populisme, au repli et au prétendu choc des civilisations ? 

Les membres du Cercle de Belém ont tenté de répondre, chacun à leur manière, à ces interrogations qui bouleversent nos sociétés. Au-delà de leurs divergences, tous rappellent l’importance d’un retour au dialogue, à l’empathie et à la tolérance pour tirer le meilleur de la globalisation tout en garantissant la souveraineté politique des peuples. C’est peut-être la leçon principale : derrière les désaccords et les particularismes culturels et nationaux, existe la volonté d’œuvrer ensemble.

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