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Un régime hyper-présidentiel

parCengiz AKTAR, professeur invité à l’université d’Athènes (Grèce)

Articles de la revue France Forum

Le pont brisé entre chrétienté et islam.

Disons-le d’emblée, non seulement la Turquie n’a plus de destin européen, mais elle se désoccidentalise à une vitesse foudroyante, inversant par là-même deux siècles d’occidentalisation. Évidemment, de larges couches de la population restent acquises aux valeurs occidentales, à commencer par la laïcité et la liberté d’expression. Néanmoins, elles restent dispersées et incapables de renverser la tendance ou de défier le régime totalitaire de Recep Tayyip Erdogan.

La politique turque sous Erdogan est sujette à un retour systématique aux préceptes de l’islam sunnite et a adopté une attitude qui défie toute définition du partenariat dans ses relations avec ses ex-partenaires stratégiques de l’Otan. Désancré volontairement de l’Europe, ivre de ses succès du début des années 2000, à l’intérieur comme à l’extérieur, pourtant largement conjoncturels, bardé de surconfiance, bercé par les mythes d’un passé impérial mythique, l’islam politique, largement soutenu par sa base, a foncé à toute allure pour changer la règle du jeu mise en place depuis le début du xixe siècle en terre ottomane, puis turque.


UN BILAN ACCABLANT. À partir de 2013, le retour de l’islam politique, depuis son éviction au début du XIXe siècle du centre névralgique de l’État, a fini par ressembler à une revanche sur les deux siècles d’occidentalisation, cherchant à renverser tous les acquis politiques, bureaucratiques, économiques, sociaux comme culturels. Les grands corps de l’État, l’académie, l’administration du territoire, l’armée, la diplomatie, la justice et le Trésor sont, aujourd’hui, en ruine et cannibalisés par les sbires du régime. Ce dernier a profité d’un coup d’État manqué en 2016 pour mettre en place une purge, d’ampleur inédite, de ses opposants, suivie d’une chasse aux sorcières. Le régime a poursuivi et liquidé le système parlementaire pour le remplacer par un régime hyperprésidentiel, sans aucun frein ni contrepouvoir, dirigé par l’omnipotent, l’omniprésent et l’omniscient Recep Tayyip Erdogan. Le bilan est accablant pour les libertés fondamentales et l’État de droit. La Turquie figure confortablement en queue de tous les classements internationaux en rapport avec l’État de droit et les libertés fondamentales. Le pays se trouve être la plus grande...

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