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Think local, act global. 3e révolution industrielle

parOlivier CADIC, sénateur des Français établis hors de France

Articles de la revue France Forum

Ce n'est pas Uber qui menace les taxis, mais la voiture sans chauffeur ! 

Le 27 août dernier, la presse française se faisait l’écho d’une nouvelle ébouriffante : six taxis électriques et sans chauffeur tournaient désormais dans les rues de Singapour ! Cette grande première, signée de la start-up nuTonomy, préfigure l’aboutissement de projets similaires partout à travers le monde. Cette innovation est emblématique de cette troisième révolution industrielle qui ne fait que commencer. Et le terme de révolution n’est pas usurpé. Une lame de fond pointe à l’horizon qui va bouleverser nos rapports aux autres, à notre environnement et à nous-même. Alors, bienvenue dans un monde merveilleux où clignotent, comme autant de promesses, les biotech, nanotech, medtech ou cleantech !


UNE ÉPOQUE RÉVOLUE. Le bon sens, dit-on, est la chose la mieux partagée du monde. Qu’en est-il du goût du futur ? Lors de la Belle époque, dont l’Exposition universelle fut l’apothéose parisienne, on vouait un véritable culte au progrès. Pensez donc : on pouvait enfin voler, éclairer la nuit ou bien converser avec l’autre bout de la France !

De nos jours, l’état d’esprit s’est assombri. Les médias parlent plus volontiers de « manipulation génétique » que de génie génétique, alors que nous sommes déjà aux portes de l’immortalité ! C’est un fait que le progrès inspire à chacun cette sourde angoisse : que deviendrons-nous quand des androïdes dopés à l’intelligence artificielle nous auront piqué nos boulots ?

Que pensent les 60 000 chauffeurs de taxi qui exercent, aujourd’hui, en France lorsqu’ils entendent parler de véhicules autonomes ? Il est vrai que l’époque où l’on pouvait trouver un emploi d’ouvrier, se payer un petit chez-soi et prendre une retraite confortable est révolue. Mais qu’on ne s’y méprenne pas : « Cet emploi n’a pas été transféré en Inde, mais délocalisé dans le passé ! », analyse l’éditorialiste américain Thomas Friedman1.

« L’avenir m’intéresse : c’est là que j’ai l’intention de passer mes prochaines années. » Comment ne pas être d’accord avec Woody Allen ? à l’avenir, les entreprises vont réaliser des produits de mieux en mieux conçus et personnalisables. Les produits du futur correspondront exactement aux désirs de chacun, en termes de fonctionnalité ou de design, cela aux mêmes prix et délais qu’un produit fabriqué en masse. Et les médicaments du futur correspondront évidemment à l’ADN de chacun.


TROIS DÉFIS MAJEURS. Puisque la technologie permettra de générer un objet aussi facilement que d’imprimer un document, qu’il s’agisse d’une automobile, d’un tee-shirt ou d’un organe humain, les usines refleuriront partout à proximité du consommateur. Elles vont recréer de l’emploi et intégrer de nouveaux métiers, comme celui de « stratifieur », qui fabrique des pièces avec des matériaux composites. On imagine les impératifs en termes d’organisation pour les entreprises. Sur ce terrain, on peut identifier trois enjeux majeurs.

Le premier enjeu est intemporel. Hier, aujourd’hui comme demain, mieux vaut avoir des idées. Pas besoin d’être un gourou du marketing pour savoir qu’il est préférable d’être unique sur un marché et savoir se renouveler souvent2. Seule la créativité permet de sortir par le haut de tout type de problématique. Seule la créativité permet à une PME de se battre à armes égales avec les grandes entreprises. Après le management participatif, place à l’innovation participative.

Le second enjeu consistera à cultiver des compétences transversales. Les métiers de demain seront hybrides, à l’instar du data scientist, professionnel hybride entre développeur, statisticien et analyste du comportement humain. Essayez donc de créer un coeur artificiel en ne réunissant que des hyper-spécialistes, chacun enfermé dans son jargon.

Le troisième enjeu consistera à rendre autonomes ses collaborateurs. Pour l’instant, on n’a rien inventé de mieux que le travail en mode projet pour créer, améliorer ou motiver. Ce n’est plus le travail à la chaîne, mais le travail en parallèle et interactif qui permet l’autonomie du collaborateur. Celui-ci peut ainsi s’affranchir du temps et de l’espace. Pourquoi devoir se rendre au bureau pour travailler ? On ne trouve plus une maison à moins d’un million de dollars à San Francisco. Là comme ailleurs, l’immobilier flambe dans les villes où il fait bon travailler. On ne peut donc pas toujours y vivre dans des conditions décentes. Ce mode d’organisation du travail, à la fois plus créatif, plus transversal et plus autonome, sera la marque distinctive de la troisième révolution industrielle. Ce mouvement de libération concerne aussi l’entreprise en tant qu’institution. La philosophie pourrait en être « no paper, no people » : vendre aux quatre coins du monde, avoir des collaborateurs qui travaillent sur plusieurs continents, totalement indépendants, sans contrat de travail, mais pourtant fidèles à l’entreprise. Vouloir être libre, c’est vouloir les autres libres ! En résumé, la troisième révolution industrielle nous donne les moyens de sortir du cadre ancien et de permettre à chacun de réinventer son monde. Elle inverse le fameux paradigme de la mondialisation en ces termes : think local, act global


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1. Auteur de La terre est plate, Éditions Saint-Simon, 2006.
2. À 20 ans, l’auteur a créé une société dont le slogan était : « Nous ne sommes peut-être pas seuls mais nous sommes uniques ! » (NDLR)

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