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La fin du Royaume-Uni avant celle de l'Union européenne ?

parThomas FRIANG, président-fondateur de l’institut Open Diplomacy

Articles de la revue France Forum

L’Union européenne est-elle condamnée à se désagréger à la manière de l’empire des Habsbourg ? », telle est l’interrogation du politologue bulgare Ivan Krastev dans son dernier ouvrage1

Le diplomate français Philippe Huberdeau lui fait écho dans La construction européenne est-elle irréversible ?2 La préoccupation de la désintégration européenne est patente dans l’oeuvre récente de prospective politique.

Les facteurs de désunion ne doivent en aucun cas être négligés : ni le signal puissant envoyé par le Brexit, ni la progression générale du sentiment et du vote anti-européens, ni les politiques dites illibérales menées par la Pologne et la Hongrie aux antipodes des valeurs cardinales de l’Union, ni les grands défis géopolitiques, à l’image de la crise des réfugiés, qui sèment le doute dans les relations entre Européens.

Pour autant, la prospective politique doit constamment intégrer dans son raisonnement les faits qui s’interposent entre le présent bien tangible et le futur qu’elle s’efforce d’imaginer. Il en est un qui, très récemment, oblige à réviser les schémas de pensée actuels.

Le 8 décembre 2017, le Royaume-Uni et l’Union européenne ont annoncé avoir trouvé un accord de principe sur les modalités du Brexit. Outre la question du sort des ressortissants continentaux vivant au Royaume-Uni et celle de la « facture » du Brexit, se posait la problématique majeure du statut particulier de l’Irlande du Nord. En effet, le Brexit suppose le rétablissement d’une frontière extérieure à l’Union pour départager l’Irlande du Nord et la République d’Irlande alors même que cette frontière a été abolie pour rétablir la paix entre Belfast et Dublin, grâce aux accords de 1998 soutenus par la dynamique de l’intégration européenne. Sur cette question épineuse, les négociations ont abouti à une situation ambiguë : le gouvernement de Theresa May maintient son objectif de « hard Brexit», impliquant de quitter le marché unique et de rétablir une frontière alors que, sur ce dernier point, l’accord prévoit l’inverse et ce, afin de conserver les acquis de la pacification des deux Irlande.

Cet objectif oriente ainsi le futur du Brexit. Deux hypothèses sont possibles. La première veut que, pour préserver la paix en maintenant la libre circulation entre les deux parties de l’île, le Royaume-Uni soit obligé d’adhérer à l’espace économique européen (EEE). La seconde est que, souhaitant « restaurer pleinement » sa souveraineté notamment économique, Downing Street avive les tensions autour de l’Ulster.

La prospective sur l’Europe est un exercice dynamique difficile qui devra donc s’efforcer de prendre en compte les scénarios très contrastés du futur britannique : une forme de statu quo (qui pourrait aussi bien calmer qu’électriser les partisans d’une désintégration européenne) ou alors la désintégration du Royaume-Uni qui poserait bien d’autres questions intermédiaires.


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1. Le destin de l'Europe, une sensation de déjà vu, Premier Parallèle, 2017. Voir note de leture.
2. La documentation française, 2017.

 


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1. Le destin de l’Europe, une sensation de déjà vu, Premier Parallèle, 2017. voir note de lecture p. 144
2. La documentation française, 2017. 

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