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Afghanistan : quels enjeux après le retrait ?

parGilles DORRONSORO , professeur à l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne 

Articles de la revue France Forum

Taliban ou al-Qaida, choisir entre la peste ou le choléra !

Le départ de 2 500 soldats américains d’Afghanistan, décidé par Donald Trump, s’inscrit dans une logique de désengagement des États-Unis annoncée dès 2012 par Barack Obama et ne laisse qu’une force largement symbolique dans le pays. Les forces occidentales, qui ont compté plus de 150 000 hommes sous le premier mandat de Barack Obama, sont désormais réduites à quelques milliers d’hommes cantonnés à une position défensive. Les États-Unis restent donc dans l’esprit des accords passés avec les Taliban, en février 2020, qui prévoient un retrait rapide et définitif. Les positions du nouveau président américain, Joe Biden, confirment qu’il n’y aura pas de réorientation significative de la politique afghane en raison de l’absence de proposition stratégique convaincante, de l’urgence d’autres dossiers de politique étrangère (Corée du Nord, Syrie, Irak) et du rejet de l’opinion publique. Avec l’effacement occidental, l’année 2021 marque un nouveau tournant dans l’interminable conflit afghan, commencé au cours de l’hiver 1978-1979.
 

LES PERSPECTIVES DES PROCHAINS MOIS. Les forces occidentales au sol n’ont plus un rôle décisif depuis déjà plusieurs années, c’est l’appui aérien qui a été décisif pour contenir les Taliban, au prix de pertes civiles en augmentation. Le soutien aérien n’a, cependant, pas empêché les Taliban de prendre des villes afghanes pour de brèves périodes (Kunduz, Ghazni), démontrant une bonne capacité de coordination tactique, une amélioration de l’armement (équipement de nuit) et des innovations organisationnelles (troupes de choc). À l’échelle nationale, la guérilla contrôle désormais plus de la moitié du territoire afghan et garde l’initiative stratégique face à une armée nationale qui ne sort guère de ses positions fortifiées et paraît incapable d’organiser des opérations de reconquête ou, plus modestement, de dégagement. La multiplication des accords locaux de non-agression, qui laissent en pratique le champ libre à l’insurrection, est un signe du basculement des rapports de force. Deux aspects peuvent, par ailleurs, faire naître une certaine inquiétude. D’une part, la guérilla peut maintenant...

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