By Jean-Pierre Dalbéra (originally posted to Flickr as Google Food) [CC BY-SA 2.0 (https://creativecommons.org/licenses/by-sa/2.0)]

Spectacle vivant

parNicolas VIEL, musicologue

Articles de la revue France Forum

Le remède est parfois pire que le mal. Aujourd’hui, pour se parer des anglicismes, on utilise volontiers le terme « vivant » pour qualifier ce que les Anglo-Saxons désignent par le terme live.

On distingue ainsi les spectacles « vivants » de la musique en boîte déversée à coups de gigabytes sur la tête de nos progénitures par Internet. Mais après tout, que le spectacle soit « vivant », c’est tout ce que le spectateur espère en tendant son billet ou son QR-code à l’entrée de la salle. S’il ne l’est pas, « c’est mort ». Puisque cette malheureuse mais « vivante » expression est entrée dans le vocabulaire courant, consentons à la conserver dans ce qui suit.

L’apparition de deux grands mastodontes musicaux de part et d’autre de la capitale, la Philharmonie et La Seine musicale, et la focalisation médiatique sur ces efflorescences parisiennes pourraient faire oublier que, comme le rappelle Jules Frutos dans un rapport de 20161, les salles de spectacle musical vivant sont en France pour la plupart de toutes petites structures, des PME, des TPE. Un tiers des salles est géré par des associations et le reste par des entreprises privées. Seul 1 % de ces salles, soit environ 180 structures, fonctionnent principalement grâce à des fonds publics, lesquels pesaient tout de même 383 millions d’euros en 2016.

Les salles de spectacle vivant servent de support à la diversité culturelle, indispensable à une offre de qualité. Leur poids économique n’est pas négligeable puisqu’elles représentent plus de 8 milliards d’euros de chiffre d’affaires tous types de spectacle confondus2, parmi lesquels 800 millions d’euros de billetterie pour les spectacles musicaux uniquement3. Parallèlement, l’engouement du public pour la musique « en vrai » ne se dément pas : un récent rapport du Centre national de la chanson, des variétés et du jazz (CNV) indique une croissance de 6 % par an du nombre de représentations payantes depuis 2010 et une hausse similaire des recettes depuis 2012. Et cette tendance semble s’accélérer.

Comme le rappelait Jules Frutos dans son rapport, les politiques publiques consacrées au spectacle vivant s’illustrent surtout par leurs piétinements : les gouvernements successifs ne semblent pas prendre la mesure des nouveaux défis numériques. La fiscalité sur la diffusion très profitable de vidéos musicales, sur YouTube en particulier, tarde à apparaître. Sans même parler des paradis fiscaux ! Le rapport Selles-Riester4 de 2011, qui proposait la création d’un Centre national de la musique (CNM), a été suivi, en 2012, de la mission Lescure, puis des propositions de Aurélie Filipetti et de Fleur Pellerin, sans lendemain. Depuis, les missions du CNV se sont élargies, mais pas son périmètre fiscal. Qu’attendons-nous ? Un nouvel anglicisme permettrait-il de dépasser le statu quo ? Ni CNM ni CNV. Proposons donc le CNMV, Centre national de la musique vivante, avant que ne vienne l’idée, à nos ministres, de créer le « Centre de la musique live ». 


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1. « Diversité artistique et économique du spectacle vivant : l’urgence d’une ambition », Prodiss, 2016.
2. Conférence pour l’emploi dans le spectacle vivant, rapport « élément de diagnostic sur la situation des entreprises et de l’emploi dans le spectacle vivant, l’audiovisuel et le cinéma », 2015.
3. Centre national de la chanson, des variétés et du jazz, rapport « La diffusion des spectacles de variétés et de musiques actuelles en 2016 », 2017.
4. « Création musicale et diversité à l’ère numérique ».

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