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Pour en finir avec l'inégalité

parChékéba HACHEMI, fondatrice et présidente d'Afghanistan libre, fondatrice et présidente de CH Consulting

Articles de la revue France Forum

Tribune libre

Dans de nombreux pays du monde, des avancées en faveur de l’amélioration de la condition de la femme ont été réalisées, à des degrés divers et dans des domaines différents – droits civils, éducation, marché du travail, planification familiale, sphère politique – selon les pays et leur niveau de développement.

Des lois entrent en vigueur au prix de nombreuses années de lutte : dans les pays occidentaux pour tenter d’établir l’égalité hommes-femmes dans le secteur professionnel, en imposant notamment le respect d’un nombre égal d’hommes et de femmes à des postes décisionnaires ; dans certains pays comme la Tunisie, l’Algérie, la Jordanie ou bien encore l’Afghanistan pour inscrire les droits des femmes noir sur blanc, en adoptant de nouvelles constitutions.

Malgré cela, de très grandes inégalités subsistent à l’échelle mondiale et, plus les pays sont défavorisés, plus les femmes en souffrent.

Les crises économiques et les guerres accroissent leurs difficultés et en font les premières victimes. Les stéréotypes, fortement ancrés culturellement, empêchent la femme d’être l’égale de l’homme. Or, les femmes représentent, rappelons-le, la moitié de la population de la planète. C’est donc se priver d’une très grande richesse que de ne pas valoriser équitablement leur contribution à la société, qu’il s’agisse de leurs activités ou de leur place dans les sphères privée et publique.

Les femmes sont souvent à l’initiative de grands changements et font avancer les sociétés dans leurs mœurs. Au quotidien, elles sont aussi des actrices à part entière des secteurs essentiels au développement économique et participent activement aux grands défis socio-économiques, sanitaires et environnementaux auxquels nous faisons face.

Pourtant, dans la plupart des cas, elles n’en obtiennent aucune reconnaissance. Leur travail n’est pas toujours rémunéré, leur autonomie est mise à mal et leurs droits fondamentaux sont bafoués. La discrimination entre les sexes a la vie dure.

L’enjeu reste de taille ! Lutter contre les discriminations à l’encontre des femmes, rétablir leur place à un rang égalitaire par rapport aux hommes, prendre en compte toute la mesure de leur contribution à la vie économique, politique, familiale et sociétale, les laisser prendre leur place sur le plan opérationnel mais aussi décisionnel, favoriser, voire autoriser, leur liberté et leur autonomie, beaucoup reste à faire.

Il s’agit de ne pas relâcher les efforts entrepris, de ne pas baisser la garde sur des droits acquis car, même dans nos sociétés dites démocratiques, ils sont parfois remis en cause. Nous ne devons jamais croire que tout est gagné.

Il s’agit aussi de soutenir les femmes et de se mobiliser avec celles qui, dans le monde, luttent pour faire avancer leurs droits et la reconnaissance de la légitimité de leur place.

L’accès à l’éducation pour les filles – comme pour les garçons, d’ailleurs – m’est toujours apparu comme l’arme essentielle et nécessaire pour que de tels changements puissent être opérés. Cette lutte m’est chère depuis que j’ai pris conscience d’être « une femme ». L’éducation permet à tout un chacun d’accéder à un peu, voire beaucoup, de liberté ; elle permet une ouverture à l’autre, une ouverture au monde ; elle permet d’apprendre à penser par soi-même, d’être informé de ses droits, de se faire respecter, d’accéder à plus d’informations, de transformer une curiosité en un possible devenir. Ce combat pour l’accès à l’éducation pour les filles, je le mène depuis 2001 en Afghanistan, mon pays d’origine, en créant des écoles et en les maintenant « actives » – ce qui relève souvent de l’exploit dans un pays encore très instable –, mais aussi en favorisant le dialogue autour de la question de l’égalité filles-garçons avec les afghans.

En tant que citoyenne française, j’ai été interpelée par la « mauvaise place » attribuée à la France lors de l’état des lieux de la condition féminine à Davos, en 2011. Cela m’a encouragée à fonder et éditer le premier Guide des expertes1, pour une meilleure visibilité des femmes dans les médias français ; j’ai aussi voulu contribuer à promouvoir la place des femmes dans l’entreprise en participant à la création du forum ELLE active.

En tant que citoyenne du monde, et plus particulièrement dans le cadre de la réalisation de la série documentaire Femmes d’ailleurs, j’ai eu la chance de parcourir de nombreux pays. J’ai pu prendre conscience que le combat des femmes est planétaire et qu’à chaque coin du monde l’enjeu est le même : accéder aux mêmes droits que les hommes, dans un contexte où ce sont toujours les femmes qui concilient vie familiale et vie professionnelle. La survie de la famille dépend très souvent du travail de la femme et, par conséquent, de son statut dans la société.

En 2015, les femmes sont encore les premières victimes, les premières cibles dans des situations de guerre et d’instabilité politique. En 2015, nous, les femmes « libres » habitant du « bon côté » de la planète, nous n’aurons rien gagné si, de l’autre côté du monde, d’autres femmes n’ont pas accès aux droits les plus élémentaires. Soyons vigilantes et actrices de ce changement ! •


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1. Anne Carrière, 2014.

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