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Paul Kagamé, un de Gaulle africain de Philippe Lardinois

parSylvère-Henry CISSE, journaliste, président de Sport & Démocratie

Articles de la revue France Forum

Comparer le président rwandais Paul Kagamé au général de Gaulle peut, de prime abord, prêter à sourire, sembler audacieux, voire incongru. La lecture du livre de Philippe Lardinois autorise néanmoins ce rapprochement.

L’auteur, né à Usumbura, capitale du Rwanda et du Burundi, sous tutelle de la Belgique coloniale, y juxtapose les grandes séquences politiques du père de la Ve République française et de la figure du renouveau rwandais. Tous deux ont, en effet, connu un cuisant échec militaire avant de se réfugier à l’étranger, de diriger la résistance et de la guider vers la victoire. Préfacé par la journaliste Colette Braeckman, responsable de l’Afrique pour le journal belge Le Soir, l’ouvrage met en perspective l’exceptionnelle capacité de ces deux hommes à rompre avec un ordre ancien et à imposer une vision originale de leurs pays respectifs dans le concert des nations. Kagamé a forgé le Rwanda post-génocide en se fondant sur la lutte active contre la corruption, la suppression des ethnies, l’unité nationale, la sécurité sociale pour tous les citoyens et une coopération internationale motivée par le respect mutuel et l’intérêt commun. Dans le même temps, la république gaullienne a fait des principes de la légitimité du pouvoir, de l’intérêt supérieur de l’Etat, de la souveraineté populaire, du pouvoir exécutif fort, les bases d’un Etat souverain respecté. Kagamé et de Gaulle ont pensé la rupture au péril de leur vie, avec un rapport intime à leur terre natale, conjugué à une certaine idée de la grandeur et du rayonnement de l’Etat. Les deux hommes portent haut la même forme d’élévation inaliénable. Ils sont parvenus à imposer avec succès aux plus grandes nations, au monde, les concepts de dignité (agaciro en kinyarwanda), pour Kagamé, et d’honneur, pour de Gaulle, qu’ils considéraient comme des ferments de la bonne gouvernance et du respect. Si le Rwanda a réussi à sortir du néant et à réaliser une ascension socioéconomique indéniable en l’espace de deux décennies, le pays le doit à Paul Kagamé, dont la figure symbolique se trouve aujourd’hui de plus en plus agitée par les peuples africains devant leurs dirigeants.

Cet ouvrage a le mérite de prendre de la distance avec le phénomène de diabolisation outrancière qui touche celui qui sera le futur président de l’Union africaine au 1er janvier 2018. Vu d’Afrique – au même titre que le gaullisme en France – et à la lumière des difficultés rencontrées par les démocraties occidentales – en panne depuis une trentaine d’années face à la montée de l’extrême droite –, le kagamisme semble être une source d’inspiration pour les diasporas et les peuples africains en quête d’un roman national mû par la vision, l’ambition et la détermination rwandaises pour sortir des crises endémiques.


Editions La Muette-Le Bord de l’eau, 2017 – 18 € 

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