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Ne sacrifions pas l'avenir au présent !

parNicolas HULOT, envoyé spécial pour la protection de la planète, président de la fondation Nicolas Hulot pour la nature et l'Homme

Articles de la revue France Forum

La prochaine assemblée générale des copropriétaires de la planète ne s'annonce pas facile !

« Celui qui cueille une fleur dérange une étoile », rappelait Théodore Monod pour illustrer qu’à l’intérieur de notre système cosmique tout agit sur tout. Et, en premier lieu, le climat, dont on oublie trop souvent qu’il est la base de la vie. Or, la vie, loin d’être une norme, est bel et bien une exception.

Pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, nous sommes confrontés à des enjeux universels et de long terme. Parce que le climat n’a pas de frontière, c’est désormais la famille humaine qui est au pied du mur, car au coeur de l’éprouvette.


LE DÉFI À RELEVER. Quel est le défi vital à relever ? Il s’agit de limiter l’élévation de la température atmosphérique à 2 °C d’ici à la fin de ce siècle – seuil que les scientifiques estiment « supportable » pour l’ensemble des êtres vivants. Par quels engagements, quelles mesures ? C’est ce que détermineront, ensemble, les 195 États réunis à l’occasion de la conférence internationale sur le climat, dite COP21, qui se tiendra à Paris, en décembre 2015, et qui scellera pour le meilleur ou pour le pire le cadre de vie de nos enfants.

C’est l’histoire et même la grande Histoire qui va se jouer à Paris car transformer des intentions en intelligence collective, à 195 pays, cela va être très dur ! Ceux qui ont déjà assisté à une réunion de copropriétaires ont une petite idée de ce à quoi peut ressembler une réunion à 195 États où il ne s’agit rien de moins que de remettre en cause le modèle économique et de se répartir équitablement l’effort. Cela peut apparaître comme une équation impossible sauf à partager une vision et un état d’esprit universels pour permettre à l’humanité de basculer vers la nécessaire transition énergétique, économique et climatique.

Tout reste à faire pour parvenir à un accord à Paris, en décembre prochain. Certains sous-estiment le fossé Nord-Sud encore existant et le contentieux qui en découle. Les pays du Sud considèrent, à juste titre, que la responsabilité de la situation incombant essentiellement aux pays industrialisés, il est nécessaire que ces derniers aient un engagement plus marqué. De plus, le fait que les promesses d’aide n’ont, pour la plupart, pas été tenues, a aggravé le niveau de défiance. Réussir la conférence de Paris implique préalablement de rétablir la confiance.

Pour lutter contre le changement climatique, la priorité devra être donnée à l’énergie en combinant lutte contre les gaspillages, recherche d’efficacité énergétique et recours aux énergies renouvelables car, en les développant, on donne la possibilité à chaque état, faible ou puissant, d’acquérir son indépendance énergétique. Dès lors qu’est établie l’équité entre les peuples, un facteur de paix est enclenché.

Cela supposera de laisser au vestiaire nos égoïsmes nationaux, d’acter des renoncements. Sans doute certains ne l’ont pas encore mesuré, ainsi que le sous-entend le rapport du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat), il va nous falloir renoncer à 80 % des énergies fossiles qui sont sous nos pieds ! Allons-nous anticiper ou subir ces changements ?


PRENDRE DES MESURES. Premièrement, en matière de financement, il serait envisageable d’imaginer une boîte à outils qui permette une réponse adaptée à chaque cas. Chaque année, 650 milliards de dollars sont accordés sous forme de subvention ou d’exonération de charges aux énergies fossiles. À ceci s’ajoute le coût des catastrophes climatiques évalué par les Nations unies à 450 milliards de dollars. Cela veut dire que nous dépensons 650 milliards de dollars pour créer un problème qui nous coûtera 450 milliards de dollars. La principale piste de réflexion se situe là. Basculons progressivement les sommes que nous accordons aux énergies fossiles vers le financement de la transition énergétique (sobriété et énergies renouvelables). Celle-ci n’est pas le problème, mais la solution.

Deuxièmement, il faut que la taxe sur les transactions financières devienne maintenant une réalité.

Troisièmement, la taxe carbone doit être mise en oeuvre dès lors que son produit va bien au financement de la transition énergétique ou à l’adaptation des pays du Sud. N’oublions pas que cette taxe est aussi un outil de réorientation vers une économie bas carbone.

Quatrièmement, en 2008, pour sauver le système financier, le Fonds monétaire international (FMI) a mis en place des droits de tirage spéciaux. Pourquoi ce qui a été fait pour les banques ne pourrait l’être pour le climat ? Autrement dit, sauver le climat implique de rompre avec l’orthodoxie financière.

Ces quelques pistes ne sont pas des entraves à notre liberté, mais invitent, au contraire, à établir les conditions nécessaires pour l’exercer pleinement. à nous, désormais, de transformer cette contrainte climatique en opportunité : rompre avec les schémas mentaux existants, faire un saut qualitatif en redonnant du sens au progrès, nous rassembler sur l’essentiel car nous sommes dans une situation inédite. Personne n’est immunisé par un statut économique, politique ou juridique. Il n’y aura ou que des perdants ou que des gagnants. C’est la famille humaine qui est confrontée à son avenir et c’est face au danger que l’on se rend compte que ce qui nous rassemble est plus fort que ce qui nous divise. Si les grandes personnalités morales ou religieuses peuvent contribuer à partager la dimension universelle dont nous avons besoin pour aborder la question du climat, chacun d’entre nous peut jouer sa partition en combinant enthousiasme, innovation et mobilisation. C’est dans cette perspective que la fondation Nicolas Hulot a lancé une campagne de mobilisation auprès du grand public1 pour que chacun puisse découvrir et soutenir des initiatives existantes pour lutter contre le dérèglement climatique. Reprenons à notre compte cet adage de Saint-Exupéry : « Dans la vie, il n’y a pas de solutions. Il y a des forces en marche : il faut les créer et les solutions les suivent. » 


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1. www.my-positive-impact.org