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La populisme dans tous ses états

parJérôme BESNARD, essayiste, chargé d’enseignement à l’université Paris Cité

Articles de la revue France Forum

Deux ans après avoir publié le Dictionnaire du conservatisme, le trio universitaire Olivier Dard, Christophe Boutin et Frédéric Rouvillois publie un impressionnant Dictionnaire des populismes, riche de 260 notices rédigées par une centaine de contributeurs français et étrangers.

Cet ouvrage essentiel n’est pas le seul que consacrent les éditions du Cerf à cette question brûlante pour nos démocraties.

Ancien élève de l’école normale supérieure et de l’école normale d’administration, Raphaël Doan signe ainsi, à 26 ans, un premier essai explorant l’histoire du populisme dans la Rome antique au IIe siècle avant Jésus-Christ. Ce populisme découle du système complexe de l’oligarchie républicaine placée sous la surveillance du peuple. Sa première illustration est celle des Gracques, célèbre famille de tribuns de la plèbe. Après leurs échecs, le flambeau fut repris par le général Marius, puis par Salluste pour ne citer que les plus connus. En face d’eux, ils trouvèrent des adversaires de talent, comme Cicéron. Jules César fut, lui, le populiste « ultime ». Son successeur Auguste dépassa la querelle du populisme, qui avait duré cent cinquante ans, en forgeant un empire héréditaire.

Sans constituer un véritable programme, le populisme romain s’appuyait sur des propositions très concrètes : distributions de blé et d’argent, répartition des terres du domaine public. L’intérêt de ce livre est de nous montrer que « le populisme n’est qu’une forme d’action politique parmi d’autres ». Il peut donc aboutir au meilleur comme au pire. Il est, en tout cas, le symptôme d’une société incapable de répondre aux aspirations du peuple. Ce livre très clair apporte d’intéressants éclairages pour notre temps.

Devenus les vilains petits canards du continent, la Hongrie et la Pologne sont désormais mises aux bans médiatique et politique des nations occidentales, comme on place des cousins indélicats en bout de table lors des repas de famille. Dans un essai de grande qualité, Marx-Erwann Gastineau, rédacteur en chef des pages politiques de la revue écologiste chrétienne Limite, explore les ressorts historiques de ce nouveau mur philosophique que certains voudraient dresser au milieu de l’Europe.

Face à l’extension presque illimitée d’un droit européen corrélatif d’un progressisme niant les particularités nationales, les dirigeants hongrois et polonais se retranchent désormais derrière une pensée « illibérale » assumée, au nom de la tradition et de la protection des singularités locales. Pour sortir de l’impasse européenne qui se dessine, l’auteur se prend à espérer l’avènement d’une France réconciliée avec son passé et qui emprunterait de nouveau la voie d’indépendance nationale tracée par le général de Gaulle.àses yeux, la seule solution pour refonder l’Europe réside dans le recours aux vieilles nations attachées aux libertés concrètes plus qu’à certaines chimères désincarnées agitées depuis Bruxelles. Il devient, en effet, urgent que les responsables politiques reprennent le pouvoir aux juges.
 

Collectif, Dictionnaire des populismes, Cerf, 2019 – 30 €
Raphaël Doan, Quand Rome inventait le populisme, Cerf, 2019 – 19 €
Max-Erwann Gastineau, Le nouveau procès de l’Est, Cerf, 2019 – 18 €

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