La coopération internationale en matière de lutte contre l’antisémitisme
Articles de la revue France Forum
Ne rien oublier, ne rien tolérer.
« Si l’humanité est encore terrifiée par le génocide, le nettoyage ethnique,
le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie, la communauté internationale partage
la responsabilité solennelle de combattre ces maux. »
Déclaration finale du Forum international de Stockholm sur la Shoah (2000)
Lors de la conférence de Malmö sur la mémoire de la Shoah et la lutte contre l’antisémitisme organisée en octobre 2021 pour commémorer la déclaration de Stockholm, le président de la République, Emmanuel Macron, a rappelé l’engagement national et international de la France dans ce combat : « Chaque fois qu’un acte antisémite est commis […], c’est l’humanité que nous partageons qui est menacée. La lutte contre l’antisémitisme et contre toutes les discriminations s’inscrit, en effet, dans notre conception universaliste des droits de l’homme […]. Il n’y a pas de place pour la haine de l’autre dans les valeurs universalistes que portent nos sociétés. C’est pourquoi elle est au coeur de notre combat au niveau national, européen et international. »
C’est en 2012 que la Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme (à laquelle la question de la lutte contre la haine anti-LGBT a été ajoutée, en 2016) est créée, dans un contexte de hausse, depuis le début des années 2000, des actes à caractère antisémite en France. Bien que soucieuse de marquer la distinction entre racisme et antisémitisme dans ses missions, la DILCRAH est attachée à définir des outils de politique publique communs à la lutte contre toutes les formes de racisme et d’antisémitisme en affirmant la dimension universaliste des valeurs qu’elle porte. Cette institution, rattachée depuis 2014 aux services du Premier ministre, conçoit, coordonne et anime les politiques publiques nationales contre le racisme et l’antisémitisme.
Le troisième plan national contre le racisme et l’antisémitisme, en cours de finalisation, renforce les actions déjà adoptées dans les précédents plans. Les actions portent notamment sur l’éducation, en particulier des jeunes (dans et hors de l’école) ; la formation de l’ensemble des agents des services publics, avec un accent, outre sur les professeurs, sur les policiers, les magistrats et les procureurs ; et la répression de tout acte raciste ou antisémite, ce qui recouvre aussi l’injure ou la provocation à la haine (loi Pleven), l’agression ou encore la négation ou la distorsion de la Shoah (loi Gayssot). Dans un discours prononcé, en février 2019, devant le Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF), le président de la République a souligné l’importance d’une réponse pénale intransigeante qui place la victime au coeur de la procédure. En complément de l’arsenal juridique protecteur, des équipes spécialisées d’enquêteurs et de gendarmes sont en cours de constitution sur l’ensemble du territoire. Par ailleurs, la loi relative à la justice de 2019 permet désormais de porter plainte en ligne. La plate-forme Pharos centralise les signalements et facilite le traitement judiciaire des actes de haine en ligne, l’un des grands défis actuels.
Les nouvelles technologies numériques offrent, en effet, à moindre coût et sans limites, de nouvelles possibilités à l’expression des libertés et des créations, mais servent aussi de caisse de résonnance aux propos haineux, discriminatoires et aux appels à la violence. En France, les pouvoirs publics ont réagi en votant la loi du 24 juin 2020 visant à lutter contre les contenus haineux sur Internet qui créé un Observatoire de la haine en ligne dont l’objet est d’évaluer le phénomène pour mieux le sanctionner, notamment sur le plan judiciaire par l’instauration d’un pôle national de lutte contre la haine en ligne au tribunal judiciaire de Paris. Au niveau européen, la législation sur les services numériques (Digital Service Act), actuellement en discussion, sera un outil central pour encadrer, dans le respect des droits fondamentaux, la liberté d’expression et la diffusion des contenus haineux sur Internet.
UN COMBAT À MENER « AU-DELÀ DES FRONTIÈRES ». L’antisémitisme ne connaissant pas de frontières, la diplomatie française est pleinement mobilisée dans ce combat, dans lequel le devoir de mémoire est central. Le 27 janvier 2020, Journée internationale dédiée à la mémoire des victimes de l’Holocauste, Emmanuel Macron s’est ainsi rendu à Auschwitz pour commémorer les 75 ans de la libération du camp. Le réseau diplomatique français porte ce message dans les relations bilatérales de la France avec les autres pays du monde. Les diplomates français contribuent régulièrement à l’organisation d’événements mémoriels.
La France porte son engagement tant dans ses relations bilatérales que dans les enceintes européennes et multilatérales. Elle a fortement soutenu le projet de la Commission européenne de doter, pour la première fois, l’Union européenne d’une stratégie de lutte contre l’antisémitisme et de promotion de la vie juive (2021) et les services de l’état entretiennent, par ailleurs, des relations étroites avec Katharina von Schnurbein, coordinatrice européenne chargée de la lutte contre l’antisémitisme. Ils contribuent aussi activement aux travaux d’instances diverses dont la commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI) du Conseil de l’Europe ou le bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme (ODHIR) de l’OSCE, où se négocient des instruments juridiques et s’élaborent des rapports d’expertise ou d’évaluation. Aux Nations unies, les représentants français ont récemment cosigné, au Conseil des droits de l’homme, une déclaration commune réaffirmant le combat commun contre l’antisémitisme et expriment régulièrement avec conviction l’intransigeance de la France à l’égard des positions antisémites, ce qui a abouti, en septembre dernier, à ne pas participer à la dernière conférence de suivi de la Conférence mondiale contre le racisme de 2001 (dite de Durban).
L’action de la France contre l’antisémitisme se poursuit au sein de l’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste (IHRA), créée à la suite de la déclaration de Stockholm, dont la mission est d’assurer l’éducation et de promouvoir la mémoire et la recherche sur l’Holocauste et dont l’un des comités spécialisés traite des questions d’antisémitisme et de négation de la Shoah. Le 26 mai 2016, l’IHRA a adopté une définition de l’antisémitisme, dite de travail, qui a vocation à être internationalement reconnue. Cette définition a été endossée par le président de la République comme par l’Assemblée nationale, le Sénat et plusieurs collectivités territoriales.
Face à la persistance, voire à la recrudescence, des actes antisémites, les autorités françaises, en concertation avec leurs partenaires européens et internationaux, sont déterminées à poursuivre le combat en faveur de l’éradication de l’antisémitisme. Face à ses nouvelles formes d’expression, les pouvoirs publics s’emploient à adapter leurs moyens d’action, notamment en régulant les plates-formes numériques et les réseaux sociaux, enjeu clé pour l’avenir.