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He already failed to make America great again

parThomas FRIANG, président-fondateur de l’institut Open Diplomacy

Articles de la revue France Forum

« Il y avait des gens biens des deux côtés. » C’est ainsi que Donald Trump a conclu sa déclaration sur la manifestation néonazie et suprémaciste qui a fait un mort à Charlottesville, aux États-Unis, en août dernier.

Alors que le débat fait rage outre-Atlantique, quels enseignements pouvons-nous tirer, nous aussi, de cet épisode délirant ?

Parmi les nombreux auteurs qui ont traité de la période nazie, l’Américain Jonathan Littell s’est distingué, en 2006, avec Les Bienveillantes, roman historique en forme de questionnement moral et politique d’un officier SS. L’acuité de son introspection est tout à fait contemporaine des faits qui nous interrogent. Pour le narrateur, disciple de Hitler, une société s’organise selon ses lois, mais celles-ci ne prendraient leur sens qu’en référence à un système de valeurs qui les transcenderait. Ainsi, les lois nazies prirent leur sens grâce à l’aspiration transcendantale du Volk emmené par son Führer. A contrario, remarque-t-il, les plus croyants, des chrétiens et d’autres, devinrent de nombreux opposants au régime car leurs valeurs avaient d’emblée éliminé toute adhésion au système de la pensée nazie et donc aux lois qu’il pouvait justifier.

Dès lors, un État de droit, avec toutes les protections constitutionnelles et légales possibles, pourrait-il, sans références morales pour transcender ses lois, se préserver de la montée du néonazisme et du suprémacisme ? Au fond, c’est la principale question politique que pose la réaction de Donald Trump : son devoir n’était-il pas de rappeler la vertu à laquelle aspire le peuple américain ? Et, s’il ne l’a pas fait, quelles dérives cela augure-t-il ?

Respectivement phare et reflet du peuple américain, le président des États-Unis est la voix par laquelle l’histoire morale du pays doit s’exprimer. Son ambiguïté et son silence sont inquiétants en ce qu’ils révèlent l’état – actuel et futur – de délabrement moral de la société américaine.

Cela n’a pas seulement disqualifié Donald Trump aux yeux des Américains, mais aussi la présidence des États-Unis dans le monde entier​.

Le soft power de Washington est fondé sur la nature universelle du message démocratique américain ; sur l’idée que le chef d’État de la plus puissante démocratie du monde est de facto le « leader du monde libre » en tant que garant d’une vertu acquise au prix du sang lors des deux guerres mondiales, celle-ci même qui devrait donner du sens aux lois américaines.

À force de ruptures – ne citons, en exemples, que le soupçon d’élection présidentielle sur fond d’influence russe, la création d’un média gouvernemental « real news » par opposition aux « fake news » des médias indépendants ou encore les déclarations d’après Charlottesville –, Trump commence à attaquer le piédestal sur lequel le président des États-Unis est traditionnellement installé. 

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