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En même temps, c'est la diplomatie

parThomas FRIANG, président-fondateur de l’institut Open Diplomacy

Articles de la revue France Forum

Les déplacements diplomatiques du président de la République, Emmanuel Macron, font systématiquement l'objet de photographies archétypales : poignées de main officielles, allocutions communes, dîners d'Etat...

Au printemps 2018, la visite du président à Washington n’a pas manqué de fournir son lot de clichés et de nourrir les réseaux sociaux. La « bromance » inattendue entre Donald Trump et Emmanuel Macron a été raillée par de nombreux commentateurs. Et si tout le savoir-faire diplomatique s’exprimait précisément par cette mise en scène ? La diplomatie semble être la politique du « en même temps » par excellence. Sur l’accord nucléaire iranien comme sur l’accord climatique de Paris, les divergences entre la France et les États-Unis sont importantes ; mais en même temps, c’est précisément pour cela qu’il faut renforcer le dialogue bilatéral et mettre toutes les formes nécessaires pour que ces désaccords se dénouent progressivement.

Tenu par la main sur le parvis de la Maison blanche par Donald Trump, endimanché dans la tenue typique des soirées de gala américaine... le président Emmanuel Macron a joué le jeu du protocole américain à 100 %.

Faisant fi des commentaires grinçants et des gazouillis rieurs, Emmanuel Macron a tenu un discours d’une fermeté remarquée et remarquable devant les deux chambres du Parlement réunies en Congrès. « Nous aurons à traiter les mêmes réalités, nous sommes citoyens d’une même planète », allant jusqu’à défier directement le président des États-Unis en qualifiant ses positions de « petits inconvénients à court terme ». De nombreuses standing-ovation ont ponctué son discours, notamment au moment de l’appel « Make Our Planet Great Again ».

Le en même temps diplomatique s’est ainsi pleinement exprimé lors de cette visite d’État. Déférence et complicité entre les deux présidents pour faciliter la relation bilatérale et ne rien laisser imaginer de sa détérioration alors que les deux pays se sont engagés dans des frappes en Syrie, mais fermeté sur les positions de chacun à propos du JCPOA1 et de la COP21.

Cette duplicité est nécessaire. Indispensable même, car il faut entretenir avec la première puissance mondiale des relations de haut niveau tandis que son président déclare, à l’issue de cette visite d’État, que « l’Union européenne a été bâtie pour profiter des États-Unis »... et ce, un an après qu’il a failli nommer Ted Malloch représentant permanent auprès de l’union européenne, alors même que celui-là encourageait à « poursuivre la dislocation de l’UE après le Brexit en spéculant sur l’euro ».

Une duplicité particulièrement bien pensée politiquement tant Donald Trump peut paraître isolé sur la scène internationale : le président américain n’a reçu aucune visite d’État depuis le début de son mandat et apprécie le président français à qui il s’identifie comme un « disrupteur du système politique ».
 

 


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1. Joint Comprehensive Plan of Action, en français accord de Vienne sur le nucléaire iranien ou encore Plan d’action global commun (PAGC). 

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