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Vers une nouvelle gouvernance mondiale des migrations environnementales

parDina IONESCO, directrice de la division Migration, Environnement et Changement climatique à l’Organisation internationale pour les migrations, Mariam TRAORE CHAZALNOEL, expert Migration, Environnement et Changement climatique à l’Organisation internationale pour les migrations

Articles de la revue France Forum

Plus que des déclarations politiques, des actes concrets.

Encore1 invisibles au cours de la dernière décennie et lors des principaux rendez-vous politiques – en particulier lors de la conférence de Copenhague sur le climat en 2009 –, les enjeux des migrations environnementales ont grandi dans l’imaginaire politique des dernières années. De fait, le plaidoyer d’acteurs tels que l’organisation internationale pour les migrations et la forte implication de pays affectés par le changement climatique tels les petits Etats insulaires ont permis l’intégration progressive des questions migratoires dans les négociations mondiales sur le climat. Ainsi, en 2010, les accords de Cancún inscrivent les premières références officielles aux questions migratoires à l’article 14(f).

Six ans après Copenhague, en 2015, l’accord de Paris représente, non seulement un tournant historique pour la diplomatie climatique, mais également une étape significative en matière de volonté politique d’aborder les questions de migration environnementale. En effet, l’accord de Paris présente deux avancées majeures : la reconnaissance de l’importance de protéger les droits humains des migrants dans la réponse au changement climatique ; la création d’un groupe de travail chargé de développer des recommandations permettant de répondre aux questions des migrations forcées liées au changement climatique.

C’est dans ce contexte d’intérêt grandissant au sein de la communauté diplomatique climatique que la Déclaration de New York pour les réfugiés et migrants est adoptée en septembre 2016 par les Etats membres de l’organisation des Nations unies (Onu). Cette déclaration marque la volonté politique des Etats membres de l’Onu d’engager, pour la première fois, des négociations mondiales afin de proposer un Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières. Ce dernier a pour objectif de guider les Etats dans leurs efforts de coopération pour gérer les mouvements migratoires internationaux. La Déclaration de New York souligne également l’importance de prendre en compte les facteurs climatiques et environnementaux dans les politiques migratoires, un tournant décisif dans la reconnaissance de cette cause par la communauté internationale. Deux années viennent donc d’être consacrées à l’élaboration du Pacte alors que les questions migratoires polarisent l’opinion publique et politique, nourrie d’images de Syriens fuyant la guerre ou de bateaux de migrants errant en Méditerranée. Les négociations sur le texte du Pacte ont été lancées au début de l’année 2018 à New York, où les Etats membres de l’Onu se sont réunis pour débattre des principaux éléments à y faire figurer. Elles se sont achevées au mois de juillet dernier.


UN PACTE MONDIAL. Dès la première mouture, les questions environnementales et climatiques sont intégrées au texte, tandis que de nombreuses délégations – représentant, entre autres, les Etats africains, les Etats du Pacifique, mais aussi les Etats européens – soulignent régulièrement l’importance de mettre en exergue ces enjeux. Malgré les divergences d’opinion, un consensus se dessine au fil des négociations sur la nécessité pour le Pacte de pouvoir répondre à une grande diversité de questions, qu’il s’agisse des actions humanitaires en cas de catastrophes naturelles ou des impacts des phénomènes à évolution lente tels que la désertification ou la montée des eaux.

La version finale du Pacte présente un texte équilibré en termes de migration environnementale, avec un sous-objectif spécifique dédié à ces questions. Le Pacte précise s’appuyer sur certains instruments internationaux, citant en particulier l’accord de Paris. Il reconnaît, entre autres, le besoin d’améliorer la compréhension des migrations environnementales, de répondre aux migrations forcées liées aux catastrophes naturelles, de développer des stratégies d’adaptation face aux changements environnementaux et d’examiner les options possibles en termes de visa, parrainage ou permis de travail temporaires.

Le texte du Pacte mondial reste à être adopté officiellement lors de la conférence de haut niveau qui se déroulera à Marrakech en décembre 2018. Toutefois, il est déjà essentiel de réfléchir à l’opérationnalisation du texte et à la signification de ses dispositions pour les Etats qui envoient ou accueillent des migrants, ainsi que pour les migrants eux-mêmes. Il s’agit d’envisager comment transformer en pratiques nationales et régionales des engagements pris à un échelon politique global : impacts sur les délivrances de visas, les services consulaires, les mécanismes de protection temporaire ou humanitaire permettant à des personnes migrant pour des raisons environnementales d’entrer légalement sur un territoire étranger ou encore impact sur le développement de nouveaux accords régionaux ou bilatéraux portant sur la migration.

Un second enjeu sera de faire le lien avec la diplomatie climatique et les travaux en cours sur les migrations conduites dans le cadre de la mise en œuvre de l’accord de Paris. Les communautés scientifiques et les spécialistes des migrations doivent s’engager à travailler ensemble afin de développer des solutions concrètes.

 


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1. Les points de vue exprimés dans cet article sont ceux des auteurs et ne reflètent pas nécessairement la politique ou la position officielle de toute organisation à laquelle ils sont affiliés.
 

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