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Musique : un océan de signes...

parNicolas VIEL, musicologue

Articles de la revue France Forum

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Un numéro thématique offre les avantages et les défauts de toute contrainte : certes, le sujet s’impose à vous sans égard pour vos marottes mais il peut, s’il est vague ou tombe à pic, stimuler l’écriture. un thème permet aussi d’y déroger et de susciter chez le lecteur l’impression que la cause est importante, même si elle semble incongrue. C’est bien à un tel événement que nous aurons assisté à la fin du mois de mai à Paris. Les locaux de l’IRCAM et de la Sorbonne abritent trois jours de conférence internationale intitulée TENOR 2015 (Technologies for Music Notation and Representation), sur les nouvelles notations musicales.

Pour les retardataires qui, comme moi, en sont restés aux grappes de petites cerises noires et blanches, accrochées bien en ordre comme sur un fil à linge, le passage par le cabinet d’informatique est obligatoire. Ranger immédiatement crayons gras et gomme douce. Remettre dans sa boîte le tampon à roulette pour les portées au kilomètre. Oublier les exercices de contrepoint et d’harmonie. Refermer le couvercle sur le bon vieux dentier noir et blanc. Effacer jusqu’au souvenir des notes mêmes.

Laissons de côté les représentations analytiques ou d’archivage pour nous concentrer sur la création. Les nouvelles écritures musicales s’appuient, on l’imagine, sur les (plus très) nouvelles technologies de l’information. C’est le cas des partitions animées de Christian Fischer, Cat Hope, Ryan Ross-Smith et al. Ces représentations visuelles, différentes à chaque fois, ont pour point commun d’être projetées à l’auditoire en même temps que la musique est jouée. Le public assiste ainsi simultanément à l’exécution de la pièce et au spectacle hypnotisant de formes géométriques en mouvement. Des disques tournent, de petites pastilles glissent, s’entrechoquent ou viennent au contact de formes plus volumineuses pendant que les divers instruments traduisent en sons les bonds et rebonds de ces mobiles virtuels.

Alors que notre système traditionnel de notation est le fruit de lentes évolutions issues de progrès conceptuels comme la notation rythmique au XIVe siècle, ou des besoins des compositeurs comme les modes de jeu, les nouvelles oeuvres issues de partitions animées nécessitent de réinventer chaque fois le système graphique dont elles sont issues. Au point qu’on se demande si une animation captivante vient de l’imagination musicale du compositeur-graphiste ou si tel passage sonore réussi est le fruit d’une trouvaille visuelle du graphiste-compositeur ?

En réalité, comme nous y habituent les (pas si) nouvelles technologies, c’est bien à la naissance d’un nouvel art fusionnel, « transversal » en langue moderne, que nous assistons. L’irruption de la vidéographie, ici comme ailleurs, pourrait finir par engloutir l’imaginaire sonore bien séparé que nous connaissions, mais c’est au public qu’il reviendra, en fin de compte, de trouver ou non une âme à cette nouvelle forme d’expression.

Pour en savoir plus : http://tenor2015.tenor-conference.org/

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