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Machiavel et les conjurations politiques de Alessandro Campi

parChristian SAVES, politologue, écrivain

Articles de la revue France Forum

Alessandro Campi, spécialiste de l’histoire des idées et de la pensée politique, est l’auteur de nombreux ouvrages et collabore régulièrement à de grands quotidiens.

Spécialiste reconnu de Machiavel et de son œuvre, membre du comité directeur de l’Encyclopédie Machiavel (Treccani, Rome), il est l’auteur d’un essai sur Machiavel et les conjurations, paru en Italie en 2014. La traduction française de ce texte est publiée par les éditions L’Harmattan. Il convient, tout d’abord, de souligner la qualité de cette traduction : c’est là un exercice toujours délicat, s’agissant d’un écrit ancien. Elle est cependant essentielle pour bien restituer au lecteur les vertus du texte et rendre compte des méandres, des nuances ou des subtilités d’une pensée… et, aussi, de l’état d’esprit qui animait son auteur, au moment où il l’a rédigé, des motivations qui pouvaient être les siennes.

Ce texte méconnu de l’auteur du Prince constitue un témoignage précieux et de première main sur ce que fut son époque et ses excès. Cette traduction vient à point nommé pour nous rappeler au dur sens des réalités, que nous avons fini par perdre de vue. En un temps trop marqué par la prégnance de la pensée unique et du « politiquement correct », nos esprits se sont laissé infecter et même gangrener par ce mal insidieux. Or, la violence est politique, elle est même le moyen décisif en politique : Machiavel l’avait compris bien avant Max Weber. Comme le dira ensuite Nikolaï Boukharine, la violence reste l’ultima ratio en politique.

Le grand mérite (et il faut lui en être, ici, reconnaissant) du livre de Alessandro Campi n’est pas seulement de proposer une traduction des écrits de Machiavel sur les conjurations. Ceux-ci constituent à n’en pas douter un témoignage historique de première importance sur un phénomène qui a émaillé et même, parfois, ensanglanté la Renaissance. Une période que les contemporains ont eu peut-être trop souvent tendance à présenter comme propice à l’épanouissement des arts et de l’esprit humain, mais qui était aussi intrinsèquement violente. Une remarquable présentation est faite en introduction du contexte socio-historique dans lequel s’est inscrit le phénomène des conjurations, dans un souci d’objectivité et de neutralité axiologique. L’auteur ne cherche pas à critiquer, encore moins à condamner, mais à comprendre ce que fut cette époque et son contexte, tant il est vrai que, comme l’écrivait Marc Bloch, une époque ne se comprend jamais aussi pleinement que par son contexte. En homme de science et de cœur qu’il est, Alessandro Campi ne tourne pas en dérision les actions des hommes, il ne cherche pas plus à médire sur elle, mais seulement à en acquérir une connaissance vraie.


L’Harmattan, 2017 – 19 € 

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