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Le visage contrasté du boom éducatif

parPauline JARROUX, docteur en anthropologie sociale, chercheuse correspondante au Centre Norbert Elias

Articles de la revue France Forum

On ne peut pas labourer, semer, récolter
et manger le même jour. Proverbe africain.

Nombre de pays du continent africain connaissent, depuis plus de vingt ans, un véritable « boom » éducatif, le second après celui de la période post-indépendances. Il fait suite à un mouvement plus général de déscolarisation1, dans le contexte de la crise économique des années 1980 et des politiques de restriction budgétaire imposées à de nombreux États du continent. La décennie 1990, marquée par la conférence mondiale sur l’éducation de Jomtien, imprime donc le pas d’un investissement accru des États dans la scolarisation de leur jeunesse et d’un consensus international en faveur de l’éducation pour tous2. Ces mouvements communs cachent néanmoins d’importantes disparités.

Le continent est vaste et les situations nationales diffèrent fortement pour de multiples raisons liées notamment à l’héritage de la colonisation ou aux trajectoires politiques, sociales et économiques. Par ailleurs, parler de « boom » semble réducteur au regard de la complexité des dynamiques éducatives et des processus à l’oeuvre. sans offrir un panorama global de l’état de l’éducation sur le continent, quelques éléments d’analyse, à l’échelle de l’Afrique subsaharienne, et de l’Afrique de l’Ouest francophone plus particulièrement, permettent d’appréhender les mutations en cours du secteur éducatif jusqu’au secondaire.


APPRÉHENDER LES MUTATIONS. Les données statistiques3 sur l’évolution de la scolarisation en Afrique subsaharienne témoignent d’une situation relativement contrastée. Le taux brut de scolarisation en maternelle est, par exemple, passé de 11 %, en 1999, à 20 %, en 2012, soit une des plus fortes augmentations au regard des autres régions du monde. Ce taux demeure néanmoins, en comparaison, le plus faible, juste devant les 25 % des États arabes4.

Le même constat peut être fait pour le primaire : les taux nets ajustés...

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1. Dans certains États, le mouvement de déscolarisation s’est prolongé durant la décennie 2000. Voir Hélène Charton, « La débâcle éducative au Kenya. éléments d’analyse historique », Cahiers d’Études africaines, n° 169-170, 2003, pp. 189-208. 
2. Thomas Bierschenk, « L’éducation de base en Afrique de l’Ouest francophone. Bien privé, bien public, bien global », in Une anthropologie entre rigueur et engagement. Essais autour de l’oeuvre de Jean-Pierre Olivier de Sardan, Thomas Bierschenk, Giorgio Blundo, Yannick Jaffré et Mahaman Tidjani Alou (sous la direction), Karthala-Apad, Paris- Leiden, 2007, pp. 251-276. Marie-France Lange, « École et mondialisation. vers un nouvel ordre scolaire ? », Cahiers d’Études africaines, n° 169-170, 2003, pp. 143-166. 
3. Il faut néanmoins considérer ces chiffres avec prudence. Pour une discussion sur la fabrique sociopolitique des statistiques, voir notamment Richard Rottenburg, Sally E. Merry, Sung-Joon Park et Johanna Mugler, The World of Indicators. The Making of Governmental Knowledge through Quantification, Cambridge University Press, Cambridge, 2015. 
4. Rapport « Éducation pour tous 2000-2015. Progrès et enjeux », Unesco, 2015, p. 4. 

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