© Daniel Engelvin

La belle île, un océan de musique

parSylvère-Henry CISSE, journaliste, président de Sport & Démocratie

Articles de la revue France Forum

Chaque fois, la même scène se répète religieusement dans l’auditorium de La Seine Musicale, magnifique écrin de boiseries et de velours rouge, au plafond nid-d’abeilles.

Ce moment, long de quelques secondes seulement, en dit beaucoup de Laurence Equilbey, fondatrice d’insula orchestra et de l’ensemble vocal Accentus.

Après le rituel accord de l’orchestre, la lourde porte des coulisses s’entrouvre sans bruit. Du rai de lumière se détache une silhouette. Conditionnée comme une boxeuse en marche vers le ring, son corps gagne, peu à peu, en assurance. Le pas se fait plus sûr. Il s’accélère. La chef d’orchestre en résidence sur l’île Seguin, à Boulogne-Billancourt, trottine avec détermination vers l’estrade. Happée par la magie de la scène, le public l’accompagne d’une salve d’applaudissements. Elle le salue d’une élégante révérence et saisit sa baguette. La tension est palpable. Laurence Equilbey respire profondément, puis lance la quarantaine de musiciens et le chœur Accentus à la poursuite du même but : briller par une qualité d’interprétation et bouleverser l’auditoire. Elle y parvient, à chaque représentation.

Ce fut le cas en 2017 avec la Grande messe en ut mineur, la reine des musiques sacrées. À cette occasion, on a pu mesurer l’audace et la générosité de Laurence Equilbey. Sur un gigantesque écran surplombant la scène, des caméras filmaient l’intérieur de l’orchestre ; un dispositif unique, permettant de s’immiscer dans l’intimité des musiciens au cours de la performance. Avant la représentation, un documentaire introductif réalisé par Pascale Ferrand proposait aux spectateurs une explication pédagogique de l’œuvre de Mozart.

En cette année 2018, avec Le Songe d’une nuit d’été, l’invitation romantique de Félix Mendelssohn, le public a pu éprouver une émotion rare, partagée par Laurence Equilbey. Habitée par une fougue communicative, elle l’amène rapidement à l’ivresse et au merveilleux avec le « Scherzo », puis lui livre la fameuse « Marche nuptiale », puissante et brillante. Bondissante, autoritaire, elle saisit et restitue l’épaisseur des plus grands compositeurs, le corps et le visage entièrement à l’écoute des vibrations de ses deux formations. Sa passion et son engagement sont communicatifs. Alors, difficile pour le public de respecter à la lettre les silences entre les pièces et d’exulter dans le même temps. Il n’est pas rare d’entendre certains téméraires oser une timide tentative d’applaudissement. Il faut attendre la toute fin pour se fondre dans la vague d’émotion qui saisit le public après chaque représentation, applaudissant à tout rompre.

La musique classique peut parfois paraître inaccessible, désuète. Certes, quand elle se cantonne dans des territoires réservés à une élite. La Seine Musicale, elle, est un lieu de rencontre, d’entrecroisement, qui propose une programmation variée – classique, variété, rock, rap – où la musique devient accessible, à la portée de tous avec des places à partir de 10 euros. Avec Laurence Equilbey, connue pour son fourmillement d’idées et son engagement à faire vivre la musique classique, le néophyte découvre un monde merveilleux et les mélomanes, un superbe continent musical.

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