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Hommage à Jean Aubry

parAndré LE GALL, écrivain

Articles de la revue France Forum

Jean Aubry nous a quittés le 21 mai dernier dans sa 98e année. 

Licencié en lettres, diplômé d’études supérieures de droit, il avait réussi le concours de rédacteur au ministère des Finances en 1943 et avait entamé, au lendemain de la guerre, une carrière d’administrateur civil qui l’avait amené à occuper très rapidement des postes dans les cabinets MRP de la IVe République. Sa proximité avec Jean Letourneau l’avait conduit du ministère des PTT en 1946, à celui de la Reconstruction en 1947, puis à celui de la France d’Outre-mer en 1949. En juillet 1950, Jean Letourneau devenant ministre d’État chargé des relations avec les États associés (Viêtnam, Laos, Cambodge), Jean Aubry inaugure une carrière indochinoise qui durera une demi-douzaine d’années. Réintégré au ministère des Finances, il est affecté, de 1956 à 1965, à la direction du Trésor. Il y deviendra sous-directeur. De poste en poste, il prendra sa retraite en 1986 en qualité de trésorier-payeur général de la Meurthe-et-Moselle. Cette longue appartenance au ministère des Finances lui avait donné l’occasion de remplir des missions auxquelles le temps a conféré une allure historique. Dans les années 1965-1970, il avait exercé de hautes responsabilités dans la préparation des expositions universelles de Montréal et d’Osaka. Dans la seconde moitié de 1958, il avait été membre du cabinet du dernier président du Conseil de la IVe République, à savoir le général de Gaulle, en compagnie de qui il lui arrivait de déjeuner le dimanche lorsqu’il était de permanence. Il était titulaire de la décoration laotienne du Million d’éléphants et du parasol blanc dont l’intitulé dégage comme un discret parfum de nostalgique désuétude. Sa première affectation, en 1943, lui avait permis d’apprécier le sens de la continuité administrative régnant au sein du ministère des Finances : il s’était retrouvé au bureau des réparations. Quelles réparations ? Mais bien sûr celles que l’Allemagne devait à la France au titre du traité de Versailles.

Fidèle aussi longtemps qu’il a pu l’être à nos déjeuners, Jean Aubry était un convive plein de charme, d’une politesse raffinée, d’une culture étendue et surtout d’une mémoire historique inépuisable. Il ramenait du milieu des années 1930, du temps de l’Occupation et de la Résistance, de son engagement dans le mouvement de la Jeunesse étudiante chrétienne, de sa campagne d’Allemagne, des premières années de la IVe République, de sa longue période indochinoise, de toutes ces décennies vécues au premier rang, une foule d’anecdotes, de portraits, de détails que l’on ne trouve dans aucun ouvrage d’histoire. Jean Aubry avait exercé ses talents à la direction de France Forum à partir de 1990.

Il nous laisse une image où s’harmonisent grande discrétion et forte présence, élégance et bienveillance, et un heureux sens de l’humour.

Requiescat in pace.