L'avenir de l'État providence en Europe : décentraliser l'État providence

parHande ÖZSAN BOZATI, Présidente de l’Assemblée des régions d’Europe, Cercle de Belém
28 Décembre 2016
Actualité

Dixième intervention du colloque "L'avenir de l'État providence en Europe". L'ensemble des interventions sera publié sur notre site, rubrique "Actualités". Ce colloque était organisé par le Cercle de Belém et l'institut Jean Lecanuet, le 2 décembre 2015, au palais du Luxembourg.

L’Association des régions d’Europe (ARE) est le réseau de régions le plus ancien. Son périmètre est le même que celui du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe. 76 % de ses membres appartiennent à l’Union européenne. Mais, pour la première fois, a été élu à la présidence un ressortissant d’un pays non membre. 

L’ARE recouvre plus de 45 pays européens et plus de 200 régions. Elle peut donc réunir une belle collection de bonnes pratiques. La santé est une valeur en soi : elle est une condition à la viabilité économique et à la prospérité. Dans un contexte marqué par des défis économiques majeurs, mais aussi compte tenu du fait que la plupart des systèmes de santé européens ne sont pas ou plus soutenables, l’ARE s’implique pour aider les régions à moderniser leurs régimes sociaux et de santé. 

Pour ce faire, elle promeut un meilleur usage des fonds structurels, soutient la coopération interrégionale et partage l’expertise pour la mise en place des systèmes intégrés eCare. L’accent ne doit pas être mis seulement sur le contenu des actions, mais aussi sur la manière de les mettre en œuvre. Les utilisateurs doivent être impliqués le plus possible dans la conception des modèles pour tirer le meilleur parti des ressources existantes.

L’assemblée travaille dans le cadre de comités thématiques dont l’un est spécialisé dans la santé et les politiques sociales. Ces comités thématiques couvrent un large éventail de sujets et de politiques, ce qui reflète aussi la diversité des régions membres, qui se réunissent deux fois par an. Ils évaluent, donnent leur avis sur les expériences menées, échangent entre pairs et définissent des objectifs et des activités.

Le sujet de la dernière rencontre était l’innovation dans le secteur public. Une réflexion a été engagée sur la façon dont elle peut être déployée, les acteurs qui doivent être impliqués et ce qui devrait évoluer dans la manière dont nous travaillons dans l’intérêt des citoyens.

L’innovation dans le service public signifie sortir des sentiers battus et savoir se remettre en cause. Beaucoup de questions ont été posées : que faut-il fournir gratuitement ? Que faut-il rendre ouvert et accessible à tous sur Internet ? Que pouvons-nous partager et selon quelles modalités ? 

Par exemple, le conseil du comté de Hampshire a décidé de mutualiser ses équipes, ses ressources et ses financements, ce qui lui permet d’attirer les meilleurs talents et de bâtir des équipes extrêmement motivées. Le comté de Norrbotten, en Norvège, a choisi, lui, d’investir dans le management du changement et dans l’éducation numérique pour assurer une meilleure conception et une meilleure exécution des services qu’il fournit.

Ces initiatives de régions européennes se fondent sur le constat qu’il ne suffit plus de rabâcher de vieilles recettes. Le renforcement des capacités est essentiel pour rendre les services publics plus efficaces. Pour cela, nous ne pouvons pas nous permettre d’ignorer les expériences et les bonnes pratiques des autres. Fait intéressant, notre engagement dans les politiques de santé publique a été le déclencheur de notre intérêt pour l’innovation dans le secteur public. Paradoxalement, le secteur de la santé est souvent considéré comme à la traîne en matière d’adoption des nouvelles technologies comparé à d’autres, alors même qu’il tire l’innovation dans le secteur public du fait de sa nature fortement intensive en technologie.

L’e-santé en est un bon exemple. Pourquoi un réseau comme l’ARE, qui rassemble des régions représentant l’ensemble de l’Europe, de la Norvège à la Turquie et du Portugal à la Russie, travaille-t-il sur la santé depuis plus de dix ans ? La réponse réside dans les changements organisationnels considérables apportés par l’e-santé. Cette dernière consiste en la responsabilisation du patient, le dialogue entre les professionnels de santé et les travailleurs sociaux, la collaboration entre sociétés de haute technologie et prestataires de services, les montages de partenariats public-privé, l’innovation et la compétitivité.

Sur tous ces sujets complexes, les décideurs régionaux apprécient de pouvoir partager leurs expériences et de disposer d’un cadre permettant un apprentissage mutuel systématique et régulier. L’un de ses principaux temps forts est la conférence biennale Arctic Light e-Health Conference (ALEC) organisée avec la région de Norrbotten. Sa dernière édition était consacrée au patient « co-créateur et responsabilisé ». Cette approche fondée sur l’usager, à l’importance d’une véritable communication et à l’implication de toutes les parties prenantes est très pertinente.

L’ARE a également déployé un travail considérable en faveur des systèmes de soins intégrés. Ces derniers peuvent se définir comme une forme plus assimilée et coordonnée de l’offre de soins, abolissant la division traditionnelle entre les soins de santé et les services sociaux. Ils font du patient le principe organisateur de la prestation de services et rendent obsolètes tous les modèles de systèmes de soins fondés sur l’offre. Les soins intégrés visent à fournir des soins de santé et des services sociaux de manière simple, flexible et personnalisée.

Les régions jouent un rôle essentiel pour proposer ces systèmes de soins efficaces et intégrés de demain. Parce que le partage ne consiste pas seulement à échanger, mais aussi à mettre en œuvre des actions pour améliorer concrètement la vie des citoyens, l’ARE a développé une série d’outils très efficaces ainsi que des cadres pour l’apprentissage mutuel et le renforcement des capacités. La méthodologie d’examen par des pairs a permis de partager et de transférer nombre de bonnes pratiques. Elle est largement utilisée dans le cadre de projets européens.

Parmi les autres outils proposés figurent le programme de leadership, développé après que des ateliers organisés sur l’e-santé ont permis de découvrir qu’au-delà des capacités de financement des technologies le principal obstacle au déploiement de l’e-santé était le leadership, ou plutôt son absence. Le Leadership Programme fournit aux décideurs une vaste gamme d’outils et de techniques pour susciter le changement dans nos régions.
Bien d’autres outils et technologies ont été développés. Le plus important est d’avoir conscience de s’inscrire dans un processus d’apprentissage mutuel. Cet état d’esprit est révolutionnaire, même s’il ne le semble pas de prime abord. On pense souvent que, dans les relations internationales et interrégionales, il appartient à certains de donner des leçons et à d’autres d’en recevoir, ce qui mène à une impasse et à un gaspillage des bénéfices issus du partage des expériences. L’apprentissage mutuel que pratiquent les membres de l’ARE permet de susciter de réels changements en Europe.

 

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